Une expérience de tournage en autoportrait

Loin de moi l’idée de céder à la mode du « selfie » ! Tourner ce sujet une main sur la caméra et l’autre dans le mortier de chaux était cohérent avec le fait de m’être investi dans la rénovation du vieux four et représentait un défi motivant à relever. Travailler seul quand c’est possible apporte un sentiment grisant de liberté de création, même si les vertus du tournage en équipe sont irremplaçables au point de vue des échanges.

Ce parti pris ne vaut que pour la rénovation du fournil et non pour l’ensemble du projet documentaire. J’ai fait le choix pour ce dernier d’un tournage en 4K pour pérenniser les images, ce qui implique un lot de contraintes supplémentaires concernant la lumière et la gestion des médias. Un dispositif léger à mettre en oeuvre et l’organisation du chantier en fonction des prises de vues m’ont permis d’en venir à bout sans équipier pour ce premier sujet.

L’esthétique même de l’image s’en trouve modifiée, ainsi que le style de la réalisation. Travailler exclusivement en plans fixes en se passant de cadreur implique un découpage minutieux des séquences, ainsi qu’une composition fouillée des cadres et donc de la mise en scène.

A propos de l'image et du son

Côté éclairage, la configuration particulière du fournil m’a permis d’employer uniquement des sources halogènes ouvertes (type mandarines, lampes de chantier...) qui sont compactes, légères et rapides à mettre en oeuvre. La lumière est découpée naturellement par les ouvertures du bâtiment, la gueule du four, les éléments de maçonnerie ou encore les alignements de solives après démontage du plancher...

Deux lampes de chantier ont été accessoirisées, équipées d’ampoules de faible puissance et de filtres neutres afin d’être placées dans le cadre ; elles donnent de sympathiques touches de lumière sur de nombreux plans, même s’il a fallu composer avec le « flare » qui apparaît parfois à cause du traitement anti-reflet insuffisant des optiques ancienne génération que j’ai choisies d’utiliser. Ces dernières - une série Zeiss années 1980 pour l’argentique - offrent en contrepartie un rendu doux et des couleurs pastel qui conviennent bien aux matériaux naturels tout en cassant le côté aseptisé de l’image numérique.

Le reste est très classique : gélatines, tough spun et toile de diffusion, bras et pinces magiques pour faire des miracles. Le son n’a pas été négligé non plus, puisqu’un micro Sennheiser M66 a permis d’isoler les bruits du chantier sans nécessité de percher en l’absence de parole.

Voici donc un petit retour d’expérience, qui transparaîtra ou non de ces premières images !

Alexandre Eymery