Devis : combien coûte un film d’entreprise ?

Combien coûte un film d’entreprise ? Quel est le juste prix ? Pourquoi les devis varient-ils du simple au triple, voire d’avantage, pour un même projet vidéo ? En quoi consistent (ou que cachent) les offres alléchantes que l’on trouve sur Internet ? Savoir décrypter un devis et éviter les pièges, c’est d’abord comprendre comment se réalise un film institutionnel et dans quel contexte.

Le recours à l’audiovisuel est devenu courant pour vanter les qualités d’un produit ou d’un service, se positionner sur un marché ou former ses collaborateurs. La démocratisation des moyens de tournage vidéo, la multiplication des modes de partage et de diffusion sur Internet, semblent mettre ce formidable outil à la portée de tous comme une sorte de recette miracle pas chère et qui peut rapporter gros. La réalité est toute autre. Nous évoluons dans un univers saturé d’images dans lequel il est difficile de se démarquer, abreuvés de programmes de télévision qui servent de références à un public qui n’est souvent pas conscient des moyens qui ont été nécessaires à leur fabrication. Dans ces conditions, la réalisation d’un film d’entreprise efficace et valorisant demande du temps et des compétences qui ont un coût. Ce dernier ne doit pas être considéré comme une charge, mais comme un investissement qui se rentabilise, ce qu’on ne peut espérer d’un film « bricolé » à la va-vite.*

Les étapes de « fabrication » d’un film institutionnel

Elles sont nombreuses et il s’agit de ne pas les brûler. C’est pourtant ce qui se produit sur les devis à petit prix. A commencer par la phase de préparation qui consiste à concevoir le film, puis orchestrer sa future réalisation technique. C’est la phase la plus longue. Elle est primordiale et il est normal que son coût puisse représenter la moitié du budget. Essayez de bâtir un immeuble sans en dessiner les plans et coordonner les corps de métier, et vous resterez au stade de la cabane.

Les étapes de la préparation :

  - définition des objectifs de communication / formation, de la culture de l’entreprise,
    ses produits, son organisation, son image de marque, le public-cible du film...
  - écriture d’un séquencier (scénario), recherche d’un ton pour la réalisation,
  - définition des plans à tourner (découpage technique),
  - repérages des lieux de tournage et des contraintes techniques,
  - choix du matériel, constitution d’une équipe adéquate,
  - organisation des journées de tournage en fonction des disponibilités des lieux,
    des intervenants, des contraintes techniques et de temps, etc.

Lorsque la préparation est effectuée dans les règles, le tournage se déroule à priori sans anicroche et s’achève dans les délais. Refaire et parfaire sont les maîtres-mots lors des prises de vues. A titre de repère, une équipe tourne rarement plus d’une heure de rushes en une journée, dont on tire généralement trois minutes de film au montage.

Les étapes du tournage :

  - installation de la technique et réglages (caméra, son, éclairages),
  - préparation des intervenants (maquillage, mise en confiance, répétitions),
  - prises de vues que l’on refait autant que nécessaire.

Et ceci pour chaque séquence, chaque changement d’axe principal de caméra ou de lieu dans l’entreprise.

La phase qui suit le tournage est celle de la postproduction qui consiste à finaliser le film à partir des rushes qui ont été tournés. S’il est vain de vouloir rattraper un travail bâclé à ce stade, il est encore possible de réduire à néant beaucoup d’efforts en négligeant cette phase. La postproduction demande du soin, donc du temps, pour chaque étape qui la compose. Une seule journée de tournage nécessite généralement deux, voire trois jours de postproduction.

Les principales étapes de postproduction :

  - dérushage pour sélectionner les prises à garder au montage,
  - prémontage et montage,
  - écriture et enregistrement d’un commentaire off, d’une musique,
  - réalisation des animations graphiques (schémas techniques par exemple) et du titrage,
  - étalonnage de l’image (réglage du rendu pour accorder les plans entre eux),
  - mixage du son,
  - réalisation du master et des copies de diffusion (web, blu-ray, DVD...).

Le salaire des techniciens, poste principal du devis

Ce qui vient d’être exposé souligne l’importance de l’intervention humaine dans la réalisation d’un film institutionnel au regard du matériel technique mis en oeuvre. Une très grande part du devis de prestation sera constituée des salaires des techniciens et des charges sociales inhérentes. La rémunération du personnel n’est pas libre dans l’audiovisuel, établie à minima par la Convention collective nationale de la production audiovisuelle et la Convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l’événement. N’en déplaise à certains et contrairement à ce qui se lit parfois sur les forums Internet, ces deux textes conventionnels sont en mode « étendu » ; ce qui signifie qu’ils ont force de loi et qu’aucune entreprise ne peut s’y soustraire sous peine d’être en infraction avec le droit du travail. Autre point important pour comprendre un devis de film institutionnel : l’embauche des techniciens se fait habituellement en « CDD d’usage » (intermittents du spectacle) en fonction des besoins du tournage. Leur rémunération est inversement proportionnelle à la durée du contrat pour compenser la précarité de l’emploi engendrée par ce système.**

Rémunérations minima obligatoires à titre d’exemple, tirées de la Convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l'événement dont dépendent les prestataires de films d’entreprise. CDD d’usage pour une journée de 8 heures, montant brut et coût salarial total - chiffres de l'avenant n°13 du 14 octobre 2016.

  - Réalisateur : 354 € - coût sal. 555 € env.
  - Premier assistant réalisateur : 181 € - coût sal. 285 € env.
  - Opérateur de prise de vue (caméraman) : 200 € - coût sal. 315 € env.
  - Chef OPV : 354 € - coût sal. 555 € env.
  - Opérateur du son : 172 € - coût sal. 270 € env.
  - Chef OPS : 218 € - coût sal. 340 € env.
  - Monteur : 163 € - coût sal. 255 € env.
  - Chef monteur : 227 € coût sal. 355 € env.

Le coût d’une journée de tournage sera donc égal à la masse salariale de l’équipe technique, à laquelle il faudra ajouter l’amortissement du matériel, les frais de déplacement, la réintégration des frais fixes de la société et bien sûr sa marge.

Des films d’entreprise à moins de 1000 €

Dans ces conditions, en quoi consiste les offrent alléchantes qui fleurissent sur Internet ? Un film d’entreprise pour 1000 € et parfois moins ? A pas grand chose ! Ces offres sont le fait de sociétés qui ne respectent pas les règles ou trompent le client sur la prestation, ou bien d’individus à leur compte qui ne sont pas soumis aux conventions collectives et pratiquent le dumping social. Dans le premier cas, si votre prestataire ne respecte pas la législation, c’est à vos risques et périls en vertu de l’article L324-14 du droit du travail qui peut entraîner votre co-responsabilité. Quant au second, les grilles de rémunérations conventionnelles n’ont pas été élaborées au hasard, mais pour assurer aux salariés de l’audiovisuel de quoi vivre décemment de leur travail, malgré la précarité de l’emploi dans ce domaine. Gageons qu’un indépendant qui n’appliquerait pas pour lui-même ces niveaux de rémunération ne tienne pas longtemps. Vous n’aurez donc pas affaire à des professionnels d’expérience !

Cas pratique pour illustrer ce propos.

Imaginons une prestation minimaliste, nécessitant 1 journée de préparation, 1 journée de tournage et 2 jours de postproduction. Le réalisateur travaille seul, effectuant lui-même les prises de vues et les prises de son à l’aide d’un petit caméscope pro, sans dispositif d’éclairage. Toute la postproduction est faite par le monteur qui travaille en toute autonomie. Rémunérations aux minima obligatoires. Pas de droits musicaux.

  Coût salarial réalisateur = 1110 €
  Coût salarial chef monteur = 710 €
  Réintégration des frais fixes et amortissement du matériel, soit env. 500 €
  pour notre postulat.
  Total = 2320 € hors TVA

Nous sommes loin d’un film d’entreprise à moins de 1000 € ! Pourtant dans ce calcul, la société ne fait pas de marge et ne risque pas de se développer. Aucun droit d'auteur n'a été comptabilisé pour le réalisateur. Quant au résultat de la prestation...

En conclusion, quel est le juste prix pour un devis de film institutionnel ?

Lorsqu’on tire sur les prix, c’est toujours au détriment de la qualité. Quel est le juste montant pour un devis de film institutionnel ? C’est avant tout celui du travail et des compétences nécessaires pour atteindre les objectifs qu’on s’est fixés. Est-ce que vous iriez subir une opération du visage chez un praticien clandestin, dans l’arrière-boutique d’une épicerie ? Bien sûr que non, c’est absurde. C’est pourtant ce que fait une entreprise qui choisit un prestataire audiovisuel avec le prix comme premier critère de sélection. On peut cependant donner quelques repères…
Le coût moyen des films d’entreprises réalisés en France semble se situer autour de 25000 € HT. Un chiffre difficile à vérifier en l’absence d’une étude précise sur le sujet, mais qui recoupe les dires de nombreuses agences de communication et sociétés de production audiovisuelle. Un budget de 15000 € permet déjà de travailler efficacement avec un traitement simple du message à faire passer. 5000 € est un montant en dessous duquel aucune prestation sérieuse ne peut être réalisée, même dans les configurations tournage / postproduction les plus minimalistes.

Par Alexandre Eymery

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* Un film d’entreprise est un investissement qui s’amortit sur plusieurs exercices comptables, puisque son coût peut être passé en immobilisation.
** La durée d’un CDD d’usage (CDD-U) peut être d’une journée, une semaine, un mois ou plus, mais toujours limitée à la durée de « fabrication » du film, par opposition aux CDD de droit commun et CDI qui sont réservés aux permanents du prestataire audiovisuel. Plus la durée du contrat est courte, plus la rémunération est élevée : le salaire horaire d’un salarié en CDD-U embauché pour une seule journée sera pratiquement le double de celui du même salarié en CDI. De rares prestataires de films institutionnels ont des équipes techniques permanentes. Cela oblige cependant ces dernières à effectuer les tournages à la chaîne pour être rentables, sans forcément être bien adaptées aux projets.