La consommation de la vidéo sur Internet a changé avec l’amélioration des débits, la mise à disposition massive de programmes TV, la multiplication des plates-formes de diffusion ou encore l’apparition récente de téléviseurs permettant de se connecter. Les internautes sont d’avantage en quête de contenus audiovisuels riches et qualitatifs que par le passé, que ce soit pour leur information ou leur distraction. Il est devenu courant de visionner sur son ordinateur ou sa tablette un long métrage téléchargé en peer to peer, un épisode de série TV sur YouTube Emissions, ou une archive sur le site de l’INA. Les liens ou références à ces contenus circulent ensuite à travers les réseaux sociaux pour trois raisons majeures : partager une émotion ressentie au visionnage, affirmer son identité ou appartenance à un groupe, transmettre une information que l’on juge pertinente. Lire à ce sujet l’excellente analyse postée sur le blog du magazine Forbes, intitulée « Advertising’s New Holy Grail : Sharing », qui reste toujours d’actualité bien qu’elle date de 2010 (voir en fin d’article).
Dire que seules les vidéos courtes et sans contenu qualitatif ont une chance d’exister sur la toile est aujourd’hui complètement dépassé.
L’offre de vidéo à la demande de Youtube est révélatrice de cette évolution. De même, Le Pluzz.fr propose des émissions en direct, du replay et de la VAD, abolissant les frontières entre Internet et la télévision. La vidéo se consomme aujourd’hui indifféremment en flux de direct ou à la demande, quelqu’en soit l’origine et le mode de transmission, sur téléviseurs, ordinateurs, tablettes, smartphones…
Enfin, la tendance des plates-formes comme Dailymotion est de se doter d’un véritable comité de rédaction, à l’instar des grandes chaînes TV, en opérant une sélection de contenus mis en avant.
La publicité sur Internet
Depuis une dizaine d’années, les publicitaires et les agences de communication reportent une grande partie de leurs actions sur Internet ; la toile offre un ciblage plus aisé des populations pour un coût moindre que sur les médias traditionnels. Cette tendance pousse les éditeurs de sites à monnayer d’avantage l’utilisation de leurs supports, relayant moins facilement à titre gratuit tout contenu ou info à but commercial. C’est l’exemple des bloggers rémunérés par les marques pour faire du publi-rédactionnel, des espaces publicitaires qui pullulent sur les sites, sans oublier la monétisation des données personnelles collectées. Internet est saturé par le marketing sous toutes ses formes.
De son côté, l’internaute est de moins en moins réceptif, effectuant souvent plusieurs tâches à la fois, comme regarder la TV en chattant sur Internet ou en envoyant des SMS depuis son téléphone portable. Au mieux, la pub sur le web indiffère, au pire elle provoque le rejet parce qu’elle interfère dans la navigation. Exemple des annonces qui s’affichent par-dessus le texte d’un article, avant ou pendant le visionnage d’une vidéo (YouTube, Allociné), ou encore ralentissent considérablement le chargement de la page quand elles ne font pas carrément planter le navigateur ! Des dispositifs anti-bannière permettent en outre de limiter l’affichage des publicités.
La vidéo « virale »
Dans ce contexte, les vidéos de marketing viral* ont été du pain béni pour les marques en offrant une alternative efficace. Le terrain était vierge il y a dix ans. Aujourd’hui ce n’est plus le cas avec des centaines de millions de vidéos référencées par les moteurs de recherche, provoquant là-aussi une saturation chez les internautes (près de 1,5 miliard d’occurrences sur Google en 2015). De plus, les vidéos amateurs sont de loin les plus nombreuses sur la toile, compte-tenu de la facilité de la mise en ligne, et se mêlent sans réelle distinction avec les productions professionnelles. Il devient nécessaire d’imaginer autre chose pour communiquer par ce biais que les habituelles séquences à base de gros gags ou d’événements spectaculaires, le meilleur comme le pire ayant été fait à priori dans ce domaine. Dire aujourd’hui que le viral est en perte de vitesse est une évidence. On constate même que certaines entreprises communiquent sur le simple fait de publier une vidéo soi-disant virale, alors que cette dernière n’en porte que le nom, comme si ce seul qualificatif servait de prétexte à une communication plus traditionnelle.
Quel contenu pour une vidéo support de marque dans ce contexte ?
Compte-tenu de ce qui vient d’être exposé, il est possible d’établir quelques préceptes. Le point le plus important n’est plus celui de la durée, mais du contenu. Ce dernier est-il susceptible d’être partagé par les internautes pour une raison émotionnelle, identitaire ou pour l’information qu’il apporte ? Ceci d’avantage sur les réseaux sociaux que par d’autres moyens ?
Une vidéo virale devrait :
- avoir un réel contenu distrayant, informatif, éducatif ou culturel ;
- pouvoir exister indépendamment de la marque dont elle fait la promotion ;
- avoir une durée en rapport avec son contenu et non pas déterminée d’avance ;
- offrir éventuellement une expérience nouvelle et ludique (interactivité) ;
- être correctement référencée et intégrée dans une stratégie de communication globale.
Le principe de l’expérience ludique et interactive est intéressant, à l’instar de Tipp-Ex avec l’ours et le chasseur qui connaît sa troisième campagne. Elle pose cependant le problème de la diffusion sur les plates-formes YouTube et Dailymotion qui ne permettent pas sa mise en place à titre gratuit puisqu’elle nécessite la création d’une « chaîne de marque » avec des fonctionnalités étendues. Le concept risque également de perdre rapidement de son efficacité une fois passé l’effet de nouveauté, par manque de contenu. L’agence Buzzman l’a bien compris puisque le troisième volet des aventures de l’ours et du chasseur est plus proche d’un jeu-concours avec produits dérivés que d’une simple vidéo de marketing viral.
La solution la plus prometteuse est sans doute celle du parrainage de programme en s’inspirant de ce qui se pratique déjà en télévision. Elle a permis notamment de contourner la suppression de la publicité en soirée sur les chaînes publiques, tout en permettant à ces dernières d’engranger des recettes sans pour autant lasser le spectateur. Exemple : Le Progrès en Question sur France 2, réalisé par Athénium Films, traitant de nouvelles technologies sous le parrainage de Gitem. La forme précise reste cependant à réinventer et à expérimenter pour l’adapter à un web en constante évolution. Le décalage apparent entre la marque et le contenu est une piste intéressante pour attiser la curiosité de l’internaute tout en instaurant avec lui une relation positive. La vidéo parrainée n’est plus un simple miroir aux alouettes destiné à piéger le journaliste, le blogger ou l’internaute pour faire passer à moindre coût des arguments publicitaires, mais devient un vecteur de contenu riche, informatif ou distrayant. L’échange devient gagnant-gagnant.
Par Alexandre Eymery
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The challenge now is to produce content – not ads – that can create connections between people – Dan Greenberg sur le blog du magazine Forbes