Captation vidéo de la pièce de théâtre

Décryptage par le réalisateur

J'ai rencontré le comédien et metteur en scène Antoine Séguin en réalisant une captation vidéo de sa pièce Ruy Blas… enfin presque ! d'après Victor Hugo. Il s'agit d'un seul-en-scène sans décor, aux costumes et accessoires minimalistes, dans lequel Antoine interprète tous les personnages, avec un sens de la comédie, une énergie débordante et beaucoup d'humour et de dérision. J'ai été séduit par cette belle façon de revisiter un texte classique qui m'avait laissé un souvenir mitigé sur les bancs de l'école.

C'est le même esprit qui anime Antoine Séguin dans cette nouvelle version du Malade imaginaire de Molière. Pour cette mise en scène, il est accompagné par huit comédiens, ce qui change la donne en terme de production ! Déplacer une telle troupe dans un festival ou toute autre occasion pour faire connaître la pièce devient tout de suite plus compliqué qu'avec un seul-en-scène.

L'Accompagnie m'a donc passé commande de plusieurs éléments destinés à la promotion de cette création :

  • un teaser court, rythmé et musical, pour accrocher et donner envie d'en voir davantage, à diffuser sur les réseaux sociaux ;
  • un teaser long, avec des extraits de scènes laissant entrevoir l'esprit de la pièce et la qualité de l'interprétation ;
  • une captation complète de la pièce, agréable à regarder, à destination des programmateurs qui souhaiterais la visionner en intégralité.


Réaliser la captation d'un spectacle vivant ne consiste pas simplement à l'enregistrer, mais à le transposer dans un autre mode d'expression artistique propre à l'audiovisuel. Lire à ce sujet l'article "La captation vidéo de spectacles vivants" dans lequel j'explique ma démarche de réalisateur.

Une prestation réussi passe par un travail préparatoire sur l’œuvre, une collaboration avec ses créateurs et par des choix techniques et artistiques judicieux. Mais c'est aussi une question de sensibilité et d'alchimie. On ne peut réaliser une belle captation que si le spectacle et ses interprètes nous touchent.

 

Captation vidéo Le Malade imaginaire : caméras face à la scène
Caméras face à la scène, axe du public...

Dispositif technique

Pour une question de budget, le choix s'est porté sur un dispositif à trois caméras. Cela peut paraître peu, mais judicieusement déployé, il nous a permis d’obtenir six valeurs de plans sur trois axes. De quoi construire un découpage fidèle à la mises en scène et nourrir un parti pris de montage pour valoriser la pièce et ses interprètes.

Les caméras ont été implantées légèrement en hauteur, afin de restituer toute la profondeur du plateau. Deux caméras ont été placées face à la scène, pour correspondre à la vision du spectateur : une fixe pour les plans d'ensemble et une cadrée pour les plans rapprochés. La troisième caméra a été placée côté jardin, selon un axe médian exploité par la mise en scène. L'enregistrement a été effectué en Ultra HD, afin de pouvoir retailler les plans en post-production sans perte de définition, la diffusion étant prévue en HD.

Le choix des machines s'est porté sur trois caméras FX3, qui appartiennent à la gamme cinéma de chez Sony. Ceci pour leur grand capteur offrant une image précise, avec un rendu film intéressant et une belle sensibilité pour l'éclairage scénique. Ces boîtiers conviennent parfaitement à la captation de spectacles, malgré leur compacité et les a priori, puisqu'ils sont dotés d'un refroidissement actif autorisant un enregistrement continu en 10 bits avec une faible compression. Ce dernier point était particulièrement important pour le retraitement de l'image en post-production, afin de rendre le plus fidèlement possible la création lumière originale de Pierre Wendels. Cette dernière comportait des écarts de luminosité et des saturations de couleurs importantes, nécessitant un enregistrement en « S-Log ». Il s'agit d'un profil colorimétrique très plat, donnant des images pâles et grisées, permettant d'enregistrer en contrepartie un maximum de détails dans les hautes et basses lumières, le rendu s'effectuant par la suite.

La prise de son est primordiale, afin de retranscrire toutes les nuances de jeu des comédiens. Elle a pu être réalisée avec fidélité grâce au concours de l'équipe technique du théâtre de La Celle Saint-Cloud. Merci en particulier à Stéphane Ivonine, régisseur lumière mais aussi magicien de l'audio ! Quatre micros ont été implantés au-dessus de la scène afin de couvrir l'ensemble du jeu sans détimbrage. Un cinquième micro à grande capsule a été placé en milieu de salle, afin d'enregistrer l'ambiance du public, ainsi que la réverbe naturelle des voix des comédiens. Le signal des micros instruments et chants, utilisés pour sonoriser le spectacle lors des passages musicaux, a également été repris à la sortie de la console de régie.


Alexandre Eymery