Tournage du clip musical - Les mots de l'âme

Décryptage par le réalisateur

Je connais Serge depuis longtemps pour avoir réalisé deux captations vidéo de sa comédie musicale La folle complainte d'un bigoudi esseulé. Le titre Les mots de l'âme en a été extrait, réarrangé pour Les Bigoudis par Karim Medjebeur. Lorsque Serge m'a fait écouter le résultat, j'ai été emballé par la tonalité urban de l'arrangement et le coup de jeune qu'elle donnait à la composition originale. J'ai tout de suite été partant pour en réaliser le clip.

Le principe d'un tournage dans une "boite noire" est venu dès le départ. Nous avions cela en tête avant même de nous concerter, Serge et moi, et l'idée du traitement en noir et blanc s'est imposée comme une suite logique. La lumière, c'est d'abord ce qui donne le relief à l'image, avant toute notion de couleur. Tourner en monochrome, c'est revenir aux fondamentaux, à l'esthétique des formes qui n'existent que par le contraste dans la gradation des gris. Sur les visages, le noir et blanc sert de révélateur : il laisse transparaître le vécu d'un être en soulignant ses traits et expressions, apportant de l'authenticité là où la couleur amène du réalisme. J'aimais bien ce parti pris pour expliciter les mots de l'âme, qui était pour moi indubitablement les maux de l'âme.

J'ai proposé l'idée d'un tournage en plans fixes, avec une zone de lumière au centre du plateau, entourée d'une ombre dense. Plutôt que ce soit la caméra qui tourne autour des chanteurs du trio, ces derniers entreraient et sortiraient du champ, en venant s'exposer tout à tour à la lumière avant de se fondre à nouveau dans l'ombre. Ceci afin de créer une sorte de ronde qui les réunirait à la fin, comme le souhaitait Serge. A ce stade, il était nécessaire de chorégraphier ces déplacements en tenant compte des talents de chacun. Manon et Pablo sont des artistes complets, dans la pure tradition de la comédie musicale : ils sont chanteurs, danseurs, comédiens ; Serge est moins à l'aise avec la danse, mais pour autant, il a un vrai talent de mime.
Serge a donc fait appel à la danseuse et chorégraphe Ophélie Crispin pour créer des déplacements à partir de notre idée de mise en scène et préparer le trio en un temps record pour travailler l'expression corporelle.

Répétitions du clip Les mots de l'âme, rendu des couleurs en noir et blanc
Test du rendu des couleurs en noir et blanc...

Le tournage s'est effectué en un court après-midi sur le plateau du petit théâtre Darius Milhaud à Paris. Une contrainte supplémentaire qui s'est transformée en défi, puisque nous étions obligés de quitter tôt les lieux pour laisser place au spectacle du soir ; ce qui a poussé chacun à se surpasser et qui a donné cette énergie et ce côté spontané qui transparaît à l'image. Car dans l'imperfection de certains plans, je revendique un surcroît de vérité que n'aurait pas apporté une performance léchée, mais sans âme. Cette conviction a guidé nos choix pour le montage, avec Serge.

Nous avons dû tenir compte également de l'implantation des projecteurs de scène, qui ne pouvait être modifiée à cause des contraintes techniques du lieu. Le régisseur Jean Charles Garcia a dû faire un petit miracle pour réaliser l'éclairage que nous avions en tête. Dans cette configuration, nous avons choisi de faire apparaître les sources de lumière à l'image, sans chercher à les gommer plus tard en post-production. Cela contribue d'une part à l'esthétique voulue, avec les irisations – ou flare – dans l'optique de la caméra, mais aussi à une référence à l'univers de la scène, puisque la comédie musicale est avant tout un spectacle vivant.


Alexandre Eymery